Les blessés affluent et ne tardent pas à encombrer le P.S. installé à la petite
Mairie de Châtel-Raould.
Je panse des blessés d’un peu tous les régiments (126ème, 100ème, 107ème, 326ème).
Je commence l’assainissement du champ de bataille, car un grand nombre de cadavres
sont épars aux abord immédiat du village. Je fais creuser une première fosse
dans le cimetière communal. Beaucoup de ces cadavres n’avaient ni plaque d’identité,
ni livret individuel. Des ordres avaient été donnés à tort au départ pour que
le livret fut placé dans la patelette du sac. Or, tout homme blessé, même légèrement,
jette à terre armes, sac et équipement, et se trouve ainsi privé de son livret
capable de permettre plus tard son identification.
A 18 h 30, comme je surveillais ce travail d’inhumation, une rafale d’obus de
105 s’abat sur l’église, le cimetière et le Poste de Secours. Deux musiciens
du 107ème qui travaillaient bénévolement à creuser la fosse commune furent tués
par des éclats d’obus. Ils avaient creusés leur tombe ! Le P.S. fut anéanti.
La plupart des blessés furent tués. Ceux qui ne furent pas tué se sauvèrent
à travers champs en poussant des cris d ’épouvante et allèrent mourir plus loin.
Deux de mes Médecins furent blessés.
Une Section de Mitrailleuses en réserve auprès du P.S. fut presque anéantie
et 5 mulets sur 7 furent tués.
Mon cheval reçut un éclat d’obus dans la cuisse et je dus le laisser sur place
au moment de la marche en avant. Neuf hommes qui s’étaient abrités le long du
mur du P.S. furent tués, soit par des éclats d’obus, soit par des grosses pierres
qui se détachèrent du mur. Des malheureux, réduit à l’état de bouilli me demandaient
que je les achèvasse.
J’ai reçu là les heures les plus tragiques de ma vie et c’est par miracle que
j’ai échappé à la mort.
Les Evênements du mercredi 9 septembre 1914
Journée décisive sur le front de la 9ème Armée Foch. L'ordre de retrait des troupes allemandes est donné par le OHL (Grand Quartier Général - Oberste Heeresleitung) vers 17 heures.
1h00
Quelques fractions ennemies se présentent devant le détachement du Capitaine
de Laborderie, du 107ème. Les premiers éléments s’avancent en levant
les mains et le Capitaine se porte seul en avant de sa troupe. L’ennemi immédiatement
en face de lui se couche, une décharge part des fractions restées en arrière.
Le Capitaine est tué ! (*)
(*) Version du Sergent J. Ducasse, du 107ème
Le 9 septembre au petit jour, une reconnaissance ennemie nous tombe dessus. Le Lieutenant de Laborderie, pensant qu'ils viennent se rendre, s'avance. Mais quelques uns des nôtres ont tiré : les Allemands répondent et le Lieutenant tombe. Je cours à lui, la mort a été instantanée...
4h00
Le 7ème R.I. retourne sur la cote 201, une grêle d'obus les
accueille.
6h00
De la 47ème Bde et de la 6ème Bde Coloniale arrive le même renseignement signalant
une attaque dirigée par l’ennemi sur nos positions de Château de Beaucamp et
la Marne. Des dispositions sont prises pour la repousser. Le Lieutenant Malevergne
du 21ème Chasseurs rend compte que le 300ème R.I. est en liaison avec le 11ème
de ligne soutenue par une batterie du 52ème d’Artillerie à l’Ouest de Beaucamp,
en outre le 9ème Chasseurs est à la cote 139.
7h30
Le 326ème est très violemment battu par l’Artillerie ennemie et subit sur la
croupe 153 de graves pertes. Ses hommes se maintiennent néanmoins sous les rafales
ennemies grâce aux dispositions prises et qui consiste à ne laisser que quelques
hommes, des guetteurs, à la crête et a établir la ligne de combat assez loin
en arrière de celle-ci, enfin de plaquer au Sud contre les pentes abruptes du
Mont Moret le gros du régiment. Le C.C. fait d’ailleurs soutenir ce régiment
par un Btn du 21ème Colonial dirigé par le Colonel de ce régiment qui prend
sous ses ordres le 326ème R.I. Ainsi se constitue dans la région Blaise-Bignicourt-Frignicourt-153,
un groupement tactique (326ème - 1 Btn Colonial - 1 groupe A.D.24), dont le
Général Caudrelier prend le commandement d’accord avec le Général Descoings.
Canon de 75 mm Français
|
8h45
Les Allemands attaquent le mamelon 153 avec une rare violence, nos troupes résistent
au tir de l’Artillerie et le C.C. renforce encore ses troupes d’Infanteries
dans cette région, pour appuyer la défense de cette importante position qui
couvre notre Artillerie de 158, laquelle est ainsi en situation particulièrement
favorable pour prendre d’écharpe la majeure partie des attaques dirigées par
les Allemands sur le C.C. par Norrois.
Dans la matinée l’ordre suivant du Général Cdt la 24ème D.I. est lu aux troupes : "L’indomptable énergie, l’esprit de devoir poussé
jusqu’au sacrifice total montré par le Colonel Jacquot et les vaillantes
troupes du détachement ont permis de repousser toutes les attaques de
l’ennemi et de lui infliger de grandes pertes. |
10h00
Un Bataillon du 88ème R.I. et 2 Bataillons du 209ème R.I. soutiennent
le 7ème R.I. sur 201, mais ils ne peuvent s'y maintenir sous le feu intense
de l'artillerie allemande. Repli sur la ferme des Grandes-Perthes.
11h00
Le 21ème R.A. ouvre le feu sur Sompuis. La 45ème Brigade (63ème et 138ème) doit attaquer Sompuis par l'Est. La 46ème Brigade (50ème et 78ème) prend comme objectif la ferme de la Galbodine.
14h00
La 6ème Brigade Coloniale signale la présence d’une batterie allemande vers
l’Ouest de Frignicourt. Le renseignement est immédiatement communiqué à notre
Artillerie.
14h15
L’attaque ennemie se ralentit progressivement vers le Mont-Moret, en particulier.
On n’entend plus tirer un seul coup de fusil et le contact se borne à une canonnade
intermittente, mais très intense et qui rend impossible tout mouvement en avant
sur le mamelon 153.
17h30-18h00
Violent bombardement de l’Artillerie Lourde, de l’église et de la mairie de
Chatelraould, qui dure une heure. Tout ce qui est aux abords de l’église,
protégés par les hauts talus disparaît sous les décombres des habitations. Il
y a des pertes sérieuses, une section de la 1ère Cie du 126ème est très
éprouvée et son Chef, le Lieutenant Guérin est blessé. Les mitrailleuses du
126ème et du 107ème qui ont leurs animaux de bât, en perdent une grande
partie (6 sur 9 pour le 126ème). Le poste de Secours est crevé au toit,
un obus éclate blessant deux Médecins et couvrant les blessés de décombres.
En fin de journée, plus à l’Ouest, le Colonel Arlabosse (45ème Bde) arrive à la lisière des bois au Sud de Sompuis avec de l’artillerie.
22h00
Les médecins de l'ambulance no 7 basée au Meix-Tiercelin, déclarent la mort du Général Dupuis, commandant la 67ème brigade.
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Récit du Docteur Saulay, médecin major du 126ème R.I.
passez sur le casque français, puis sur le casque
prussien